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Journée d'étude sur les femmes et leurs activités - 5 juin 2008 ODM

JOURNEE D’ETUDE DU 5 JUIN 2008

DE L’OBSERVATOIRE DES DROITS DES MARINS (ODM)

PRESENTATION
par
Gwenaele PROUTIERE-MAULION


L’EVOLUTION DU ROLE ET DU STATUT DE LA FEMME

DANS LES ACTIVITES MARITIMES

Projet FEMMAR

Le projet FEMMAR élaboré par le Centre de Droit Maritime et Océanique de l’Université de Nantes et l’Observatoire des Droits des Marins est né de nombreuses discussions avec des femmes impliquées dans différentes branches d’activités du secteur maritime. Lors de ces discussions, toutes nos interlocutrices, quelle que soit la nature de leur activité, nous ont fait remarquer combien leur rôle était méconnu voire même parfois occulté alors même qu’elles ont été ces dernières années à l’origine d’avancées majeures (obtention d’un statut pour les conjointes de marins pêcheurs ou d’aquaculteurs collaborant à l’activité de leur mari, accès à des emplois jusque là réservés aux hommes dans la marine marchande, implication dans les structures d’accueils portuaires, dans les organisations professionnelles ou encore dans les collectivités territoriales..). Toutes ont mis en avant la nécessité de faire un état des lieux, de voir comment pouvaient être prises en compte leurs préoccupations mais aussi de voir comment pouvait être améliorée leur intégration au sein des différentes activités de la filière maritime tout en tenant compte des impératifs liés au développement territorial des zones côtières.

 

Face à ces attentes communes aux différents segments d’activités de la filière maritime, le projet FEMMAR s’inscrit donc dans une logique de compréhension d’un phénomène social majeur afin de démontrer les interactions existantes entre l’arrivée de la femme dans les activités maritimes et l’évolution et l’adoption de la norme juridique mais également comment l’évolution de la norme juridique a également permis cette féminisation des activités maritimes. Conçu comme un projet véritablement participatif, basé sur un processus d’échanges communs, il a également pour ambition de parvenir à des résultats appropriables par ces femmes et exploitables par les décideurs politiques. Pour cela, a été mis en place une équipe de chercheurs européens (Université de Nantes, Université du Pays-Basque espagnol et Greenwich Maritime Institut, Grande-Bretagne) impliquant différentes disciplines, juristes, économistes, géographes, sociologues et philosophes qui, durant les 3 ans à venir, vont collaborer étroitement. Il s’agit ici d’un véritable pari scientifique régional dans la mesure où aucune étude de ce genre n’a encore été réalisée en France.

Pourtant, au cours des vingt dernières années, le rôle et le statut de la femme au sein du monde maritime ont considérablement évolué générant d’importantes évolutions juridiques, économiques, géographiques et sociologiques insuffisamment mises en avant. Ces évolutions se constatent dans tous les secteurs d’activités liées à la mer, marine marchande, pêche et aquaculture, marine nationale et yachting professionnel). L’accès des femmes aux activités maritimes soulève aujourd’hui la question de l’adaptation d’un secteur dans son ensemble à l’évolution de la norme sociale dans une double perspective de développement durable et de justice sociale. Ce projet propose donc d’aborder l’évolution du rôle et du statut des femmes tant navigantes, qu’à terre, dès lors qu’elles ont une activité liée à l’exploitation maritime, à travers quatre axes majeurs développés dans une double optique, pluridisciplinaire et transnationale : conditions de travail, formation professionnelle, statut social, lien social et structuration du territoire. Ce dernier axe devrait tout particulièrement permettre de mettre en exergue la place des femmes et leur rôle dans les structures intercommunales mais aussi dans des structures consultatives (par exemple au sein des Comités Consultatifs Régionaux). Une présentation détaillée du projet FEMMAR a eu lieu le 5 juin 2008 lors des Journées de l’Observatoire des Droits des Marins (I) et a donné lieu à des discussions particulièrement enrichissantes (II).

 

I-                   Descriptif du projet FEMMAR

 

Il existe à ce jour peu de travaux juridiques relatifs au droit du travail et au statut social des femmes qui exercent directement ou indirectement une activité en lien avec la mer. Il existe évidemment des travaux nombreux concernant le travail des femmes dans l’industrie et le commerce ou dans l’agriculture, notamment sur le plan juridique. Il faut cependant noter que ce n’est que depuis les années1970 que la pluriactivité a été prise en compte par les historiens dans le domaine agricole, ce qui a mis en lumière la diversité des fonctions des femmes[1].

 

Les travaux d’Alain Corbin et d’Alain Cabantous ont concerné les sociétés littorales[2]. Ces sociétés littorales semblent avoir été trop longtemps associées à l’identité maritime, à l’encadrement administratif des inscrits maritimes, à la tutelle de l’Etat sur la construction navale, les activités de pêche et de navigation. « L’économie littorale révèle une forte intégration des économies maritimes et de celles des arrière-pays à dominante agricole »[3]. Les zones côtières ont connu des bouleversements économiques et techniques profonds après 1850, avec l’industrialisation des activités portuaires et des pêches ; il en est résulté une professionnalisation des métiers de la mer, un recul de la mixité professionnelle, une coupure du monde des métiers de la mer du reste de la société. Des bouleversements semblables semblent à l’œuvre depuis la fin des années 1980.

 

Certes, une approche sociologique existe, mais tant à l’échelle française qu’à l’échelle européenne, aucun travail juridique d’envergure n’a encore été mené sur les droits du travail et sur les statuts sociaux des femmes qui exercent directement ou indirectement une activité en lien avec la mer. Or, les femmes jouent un rôle de plus en plus important dans ce secteur, qu’elles soient directement employées à la mer ou indirectement à terre.

 

Dans l’agriculture bretonne, les femmes s’occupaient traditionnellement des activités laitières des exploitations familiales. Elles ont donc trouvé du travail dans les premières laiteries artisanales qui apparaissent dans les années 1880. La régression des activités féminines dans les laiteries est cependant nette à partir des années trente et dans les années cinquante, la main d’œuvre féminine n’aura plus qu’un rôle d’appoint à temps partiel, peu qualifié. Les femmes sont revenues aux champs, les hommes sont aux champs et à l’usine. La croissance des industries laitières semble avoir joué un rôle décisif[4]. Les récents travaux historiques sur l’exercice des activités maritimes montrent que les gens de mer ne sont pas un monde clos, que l’autoreproduction est largement un mythe.

 

Les armements à la pêche ont toujours eu recours au réservoir rural des marins occasionnels pour constituer des équipages, en raison du caractère souvent saisonnier des activités de pêche[5].

 

Dans le bassin ostréicole de Marennes-Oléron, les concessions sur le domaine public maritime se cèdent entre hommes essentiellement, en jouant notamment du statut d’inscrits maritimes. La succession masculine a permis d’éviter le morcellement des exploitations, en privilégiant le plus jeune homme de la fratrie. A 55 ans, l’inscrit maritime touche ses invalides, sa pension de retraite de l’ENIM, et cède quelques parcs aux aînés des fils qui travaillent encore avec lui. A 65 ans, il cède ses propriétés privées. L’« héritier » de la cabane doit travailler sous la tutelle paternelle. Depuis 1965, l’inscription maritime a disparu et la capacité professionnelle, formation spécifique au monde conchylicole, est ouverte aux femmes. Pourtant, la plupart des femmes participant à l’activité conchylicole ne relèvent pas d’un statut professionnel reconnu[6]. Les contraintes administratives semblent avoir créé une barrière d’entrée et favorisé l’accès des espaces de production, privés et publics, aux seuls hommes.

 

De la même façon, l’inscription militaire a fortement renforcé la dimension masculine car militaire des fonctions de navigations tant dans le secteur de la marine marchande que, dans le secteur des pêches maritimes. Il en est résulté pendant longtemps une vision masculine du droit des gens de mer comme en témoignent les difficultés pour affilier à l’ENIM les femmes participant aux entreprises de pêche artisanale mais sans embarquer, cette affiliation ne concernant traditionnellement que les navigants. Il faudra ainsi attendre 1997 pour que la loi n° 97-1051 d’orientation sur les pêches et les cultures marines dote enfin les conjoints collaborateurs d’un véritable statut à l’image de celui des conjoints d’artisans ou de commerçants.

Cette loi s’est efforcée de doter le secteur des pêches maritimes d’un cadre novateur, en appliquant le code du travail aux marins pêcheurs mais aussi en créant des structures sociétaires destinées à permettre de préserver le patrimoine familial. Certes l’objectif clairement affirmé de rénover le secteur des pêches maritimes en le dotant, d’un cadre comptable, financier et juridique adapté à l’évolution économique de ce secteur ne semble pas avoir été aujourd’hui atteint. Toutefois, le rôle des femmes de marins dans l’adoption de certaines dispositions majeures de cette loi illustre particulièrement l’impact de ces dernières sur l’évolution de la législation. C’est en effet, grâce au combat mené par les associations de femmes de marins pêcheurs depuis 1994 qu’a été obtenue la reconnaissance légale du rôle du conjoint dans la gestion des entreprises. Bien que ce dernier participe souvent à terre, à l’exploitation du navire, il n’existait en effet jusqu’alors, aucune reconnaissance légale de cette activité. A défaut d’un véritable statut de conjoint de pêcheur artisan, le conjoint bénéficie désormais des dispositions de la loi n82-256 du 10 juillet 1982 relative aux conjoints d’artisans et de commerçants travaillant dans l’entreprise familiale[7]. En prenant conscience de la nécessité de sauvegarder maison et patrimoine familial, les femmes vont se révéler un véritable vecteur de modernisation du secteur en apprenant à gérer les entreprises de pêche artisanale comme une entreprise terrestre. Dix ans après cette adoption, la prise en compte de la nécessité de doter le conjoint d’un véritable statut vient de trouver une illustration extrêmement intéressante dans le domaine de la formation maritime avec la création d’un « brevet de conjoint collaborateur dans les entreprises artisanales maritimes » (BCCEAM).

 

Au cours des vingt dernières années, la condition et le rôle de la femme au sein du monde maritime ont considérablement évolué générant d’importantes évolutions juridiques insuffisamment mises en avant, probablement en raison de la place souvent marginale concédée aux activités maritimes, mais aussi en raison du poids des traditions socioculturelles. Alors que l’on a encore des difficultés à concevoir qu’une femme puisse être marin pêcheur ou, officier à bord d’un navire de la marine nationale, il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui ces activités ont de plus en plus tendance à se féminiser.

 

Cette intégration n’est pas cependant sans soulever quelques difficultés tant d’un point de vue sociologique que juridique. L’accès des femmes aux activités maritimes ne soulève pas seulement la question de l’éventuelle adaptation des normes sociales au nom du principe d’égalité homme-femme. Il pose également la question plus générale de l’adaptation d’un secteur dans son ensemble à l’évolution de la norme sociale dans une double perspective de développement durable et de justice sociale.

 

Pour cela, ce projet propose d’aborder le rôle et le statut des femmes tant navigantes, qu’à terre, dès lors qu’elles ont une activité liée à l’exploitation maritime, en développant quatre axes majeurs :

 

Le premier axe relatif aux conditions de travail a pour objectif de faire le point sur les adaptations récentes du droit du travail applicables aux femmes qui naviguent, que ce soit en tant que marin (pêche, marine marchande, marine nationale) ou en tant que personnel (marine marchande, marine nationale, yachting professionnel). Le domaine est vaste et appelle à traiter aussi bien les conditions de travail proprement dites, en particulier à travers le prisme de l’hygiène et de la sécurité que, le respect de la personne humaine et la lutte contre des conditions de travail dégradantes. A titre d’exemple, ce premier axe sera ainsi l’occasion de traiter des problèmes aussi divers que l’instauration d’un congé maternité au profit des femmes navigantes, la place des femmes dans la prévention des risques professionnels, mais aussi les difficultés suscitées par le fait d’employer des femmes à bord lorsque le navire déploit son activité dans des régions à haut risque de piraterie ou encore la nécessité de lutter contre la résurgence de pratiques relevant de l’esclavage et de la traite des femmes à bord de yachts de plaisance. A sa façon l’accès des femmes aux emplois de navigants participe aussi à l’émergence du concept d’ordre public international social.

 

Le second axe relatif à la formation professionnelle sera lui l’occasion de s’interroger sur l’évolution des formations professionnelles maritimes, en particulier à travers les formations développées pour répondre spécifiquement aux besoins des femmes, notamment concernant les conjointes de chefs d’entreprises maritimes ou aquacoles mais également de s’interroger sur les difficultés rencontrées par les femmes pour achever leur cursus de formation, notamment pour accéder aux fonctions d’officier.

 

Nombreuses sont ainsi celles qui ne parviennent pas à trouver les embarquements nécessaires pour valider les périodes de stages incluses dans la formation, montrant ainsi que beaucoup reste à faire en matière d’égalité d’accès à la formation et donc in fine à l’emploi.

 

Le troisième axe relatif au statut social devrait lui, permettre de s’intéresser aux évolutions récentes relatives au statut social, en particulier concernant les conjointes de chefs d’entreprises maritimes ou aquacoles. A l’instar des conjointes de commerçants, d’artisans ou d’agriculteurs, nombreuses sont en effet, les femmes qui participent à l’activité professionnelle de leur conjoint sans aucune reconnaissance légale et sociale, voire sociétale. Dix ans après l’entrée en vigueur de la loi d’orientation sur la pêche et les cultures marines du 18 novembre 1997 qui proposait un cadre novateur pour doter les conjointes d’un véritable statut social, il semble particulièrement intéressant de dresser un bilan de celle-ci et de voir comment le statut social a évolué ou à l’inverse quels ont été les points de blocages et quelles peuvent être dès lors les pistes de réflexions concernant le rôle de la femme dans la gestion des exploitations, mais aussi dans la diffusion de l’information et de la connaissance ainsi qu’en matière d’accompagnement dans la transmission des entreprises.

 

Enfin, le quatrième axe, lien social et structuration du territoire est destiné à mettre en exergue le rôle de la femme en tant que vecteur de lien social. On s’aperçoit en effet, dans le contexte actuel de crise économique et sociale, que la femme joue un rôle d’alerte qui conduit à mettre en œuvre une dynamique collective source d’évolution législative. Ce fut d’abord le cas concernant la sensibilisation des conjoints à l’importance du respect des règles d’hygiène et de sécurité sur leur lieu de travail (à titre d’exemple, les femmes ont ainsi été un vecteur de communication essentiel pour sensibiliser les conjoints à la nécessité de porter des vêtements à flottabilité intégrée – VFI à bord des navires de pêche), puis concernant la dénonciation de la multiplication des comportements addictifs (lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie à bord des navires). Plus récemment la structuration des femmes en réseaux associatifs face aux difficultés du secteur de la pêche ou aux abandons de marins étrangers dans les ports français a mis en exergue la capacité de celles-ci à intervenir dans la gestion de crise et à y jouer un rôle majeur. C’est notamment grâce à l’action des femmes que sont aujourd’hui généralisées les cellules d’urgence médico-psychologique à la suite des graves évènements de mer.

 

Au-delà, cette action lorsqu’elle passe par une structuration en association ou au travers des organisations professionnelles, participe à la structuration du territoire dans la mesure ou elle contribue au maintien de la vitalité du tissu socio-économique (en témoigne par exemple le rôle des femmes dans le développement du Pesca Tourisme ou encore le développement de chambres d’hôtes destinées à maintenir un taux d’emploi satisfaisant dans les communautés littorales). Cela est vrai tant en ce qui concerne, la sauvegarde des entreprises que, celle des structures familiales.

 

La participation du laboratoire Géolittomer de l’Université de Nantes s’inscrit particulièrement dans cet axe. Les chercheurs de Géolittomer impliqués dans le programme, en lien avec les juristes (droit maritime et social), gestionnaires et sociologues, s'attacheront à traiter deux aspects pour partie complémentaires :

 

1.        La place et le rôle de la femme dans les structures et procédures de gestion des territoires littoraux et maritimes. Pour ce faire, un panel significatif de structures institutionnelles (pays maritimes, intercommunalités côtières, comités consultatifs régionaux tel celui du golfe de Gascogne) et de procédures d'aménagement (SMVM, Démarche GIZC, SCOT à forte composante maritime) seront analysées par comptages et enquêtes. Cette recherche s’appuiera, en particulier, sur le travail de « Cartographie des compétences exercées sur le littoral atlantique », objet d’un rapport d’étude à la Mission Interministérielle et Interrégionale d’Aménagement du Territoire (MIIAT) du Grand-Ouest, réalisé en 2002 sous la coordination de T. Guineberteau. La base de données sur les structures institutionnelles sera actualisée et enrichie.

 

2.        La place et le rôle de la femme dans les processus conflictuels observables sur les territoires littoraux et maritimes. S'inscrivant dans la continuité des recherches amorcées dans le cadre du programme ORECOLM (2006-2008, coord. T. Guineberteau), l'objectif est d'analyser l'évolution et les particularités éventuelles de cette présence féminine dans l'émergence, les formes et les modalités de régulation de ces conflits qui affectent ces territoires et qui sont liés, totalement ou pour partie, aux activités maritimes. Il s’agit en particulier de confronter et d’enrichir l’approche à travers l’analyse de contextes locaux différents, dans un cadre européen, résultant de la multiplicité des activités, des modes d’organisations sociales (du territoire à la cellule familiale), des cultures, des formes locales d’évolution, des situations géographiques (en particulier l’influence de l’insularité), etc. Cette nécessaire perspective comparative, basée sur un travail de terrain dans les différentes zones-ateliers du programme (France, Espagne, Royaume-Uni), permettra d’évaluer finement la triple relation entre (i) la place et le rôle des femmes, (ii) le contexte local et (iii) les processus conflictuels et, ce faisant, d’alimenter une grille d’analyse globale et pluridisciplinaire du rôle des femmes dans les activités maritimes.

 

Il s’agit ainsi de démontrer que l’évolution des rôles et statuts de la femme au sein des activités maritimes contribue à une plus forte implication féminine dans le fonctionnement des systèmes territoriaux.

 

Par ailleurs, l’intervention du LEM (Laboratoire d’Economie et de Management) de l’Université de Nantes dans ce projet concernera le pilotage du volet économique. Plus particulièrement, ce travail doit permettre d’identifier l’influence des caractéristiques sociales, économiques et règlementaires sur les pratiques des femmes travaillant ou pas, à terre ou en mer et leurs préférences (temps de travail / pluriactivité...). Compte tenu des compétences du LEM, les cadres sectoriels et géographiques seront restreints au secteur des pêches et des cultures marines du golfe de Gascogne.

 

Enfin, l’intérêt manifeste de ce projet est également de faire émerger une synergie en matière de recherche entre différents partenaires européens (Université du Pays-Basque espagnol - Olga FOTINOPOULOU-BASURKO, Jaime SEGALES FIDALGO, Nieves MARTÍNEZ GAYOSO - et le Greenwich Maritime Institut, Grande-Bretagne - Minghua ZHAO). Il s’agit ainsi de permettre le développement de la coopération et des interactions entre les scientifiques travaillant sur cette thématique dans différents Etats membres de l’Union européenne, grâce à la mise en commun de résultats et à la confrontation des systèmes juridiques. Au-delà, la mise en œuvre de ce projet pourrait permettre la création d’une équipe de recherche plurinationale susceptible de s’insérer dans d’autres projets de recherche européens.

 

Ce projet devrait permettre de collecter de nombreuses études empiriques ou théoriques sur l’évolution de la condition et du rôle de la femme dans les activités maritimes, tout particulièrement dans le domaine du droit du travail et de la protection sociale. Certes en tant qu’étude de genre, le projet proposé peut apparaître schématique et réducteur. Pour autant, le prisme de la femme est particulièrement éclairant des évolutions récentes du secteur maritime.

Nombre d’évolutions sociales, économiques et juridiques des vingt dernières années sont liées soit à la volonté des femmes d’accéder à certains emplois jusqu’alors traditionnellement réservés aux hommes, soit à la prise de conscience de la nécessité de rénover le cadre juridique de l’activité (statut du conjoint, respect des règles d’hygiène et de sécurité, pérennité de l’activité familiale, maintien du lien social et du dynamisme des régions littorales). L’accès des femmes aux postes de travail, à la gestion des entreprises ou aux fonctions de représentations au sein des organisations professionnelles a entraîné une féminisation des postes de travail et une adaptation des formations. Mais il a également entraîné un bouleversement des perceptions traditionnelles non seulement en ce qui concerne le partage des rôles homme-femme, mais également en ce qui concerne l’intégration de nouveaux modes de raisonnement et de fonctionnement : prévention, gestion, formation, développement durable de l’activité. Le prisme de la femme est donc ici particulièrement éclairant sur nombre d’évolutions majeures du secteur maritime ces dernières années.

 

II-                Discussions

 

Les discussions qui ont suivi la présentation du projet ont tout d’abord montré que celui-ci recevait un accueil favorable même si certaines participantes ont relevé la coexistence de différents projets portés par les associations de femmes de marins pêcheurs et la crainte d’une confusion entre ceux-ci. Dans l’ensemble le fait que le projet FEMMAR soit porté par des universitaires a été apprécié, apparaissant comme une garantie d’impartialité de nature à permettre un détachement des intérêts catégoriels. Un partage d’idées et d’expériences extrêmement enrichissant s’en est ensuivis.

 

Les discussions ont tout d’abord porté sur les conditions de travail et la prévention des risques professionnels. Dans un premier temps, les femmes de marins pêcheurs présentes ont relevé l’absence de reconnaissance dont elles souffrent, tant vis-à-vis de leurs maris que de l’organisation professionnelle (comité local en particulier) et des affaires maritimes ainsi que le climat d’inquiétude dans lequel elles évoluent, notamment concernant la dangerosité de l’activité de pêche. Des représentantes de la façade méditerranéenne ont également fait part des difficultés qu’elles rencontraient pour libérer la parole dans les ports et pour que leur présence n’apparaisse plus comme incongrue.

 

Le rôle des femmes dans la sensibilisation au port du VFI a été cependant salué tant par les inspecteurs du travail que par les représentants du CNPMEM (Comité national des pêches maritimes et des élevages marins), ces derniers souhaitant toutefois que l’on aille plus loin afin que le port du VFI devienne une norme sociale et non plus seulement une norme juridique. Des représentantes d’associations de femmes ont, elles, exprimé la crainte d’être, dans ce combat, instrumentalisées par l’Etat, dont elles apparaissent comme de véritables auxiliaires.

 

Des assistantes sociales également présentes ont particulièrement insisté sur le rôle des femmes en tant que porte-parole, leur implication dans le maintien de l’activité du mari mais également leur rôle moteur concernant la reconversion vers d’autres secteurs d’activités. Elles soulèvent également les difficultés liées aux paies irrégulières ou à l’absence de système de prévoyance lorsque le mari tombe malade ainsi, que le problème de représentation des associations de femmes de pêcheurs souvent perçues comme des associations de femmes de patrons, ce qui réduit l’adhésion des femmes de matelots, ces dernières développant une certaine méfiance.

 

Les représentants de la marine marchande ont, eux, fait remarquer que la place des femmes était en nette évolution. Une jeune femme officier a d’ailleurs confirmé cette assertion en faisant part de sa propre expérience professionnelle. Si elles sont encore peu nombreuses (ce que confirment les représentants de La Touline) on constate un respect des hommes pour leur qualification en tant que personnel navigant et leur passion du métier. Des questions se font jour cependant concernant la possibilité pour une femme de développer une carrière de navigante de longue durée et notamment de concilier celle-ci avec une maternité. Signe d’une évolution notable, la maternité, longtemps perçue comme une cause d’inaptitude automatique, commence à faire l’objet d’une appréciation casuistique, le projet étant même à l’étude d’un décret sur la protection de la santé et l’amélioration des conditions de travail de la femme enceinte navigante. Ce projet présenté par Madame Catherine Blot vise à instaurer une protection spécifique dès la détermination médicale de la grossesse, un reclassement à terre en cas d’impossibilité de naviguer ou en cas d’impossibilité de reclassement, le versement d’un revenu de substitution.

 

Cela étant, les échanges montrent que des difficultés persistent dans la recherche des embarquements (en particulier pour les femmes qui souhaitent bénéficier d’une validation des acquis de l’expérience). Il semble également que les femmes recherchent en priorité des embarquements au cabotage, plus facilement conciliables avec une vie familiale. Le taux d’abandon assez élevé en cours de formation à l’Ecole de la Marine marchande illustre combien ce choix de carrière reste difficile à assumer et nécessite une véritable passion pour ce métier. Les discussions de l’après-midi montreront également que le personnel féminin embarqué à bord des navires de plaisance et des ferrys est en butte à des pratiques de harcèlement sexuel et moral.

 

Les discussions de l’après-midi ont, elles, été structurées autour d’interventions de femmes représentant des associations de femmes de marins pêcheurs mais aussi d’universitaires et d’avocats.

 

Les interventions des premières ont essentiellement porté sur le statut social des conjointes participant à l’activité de l’entreprise et le rôle de la femme dans le maintien du lien social et la structuration du territoire. Madame Florence Pineau, présidente de l’association des femmes et familles de marins de Vendée (AFFMV) a fait le point sur la situation des femmes de marins depuis l’adoption du statut social du conjoint collaborateur de chef d’entreprise et les formations existantes, et l’importance que revêt pour la femme mais aussi pour le couple la reconnaissance du statut de cette dernière dans l’entreprise familiale.

 

L’échec relatif du statut de conjointe collaboratrice depuis sa création par la loi d’orientation de 1997 a conduit en 2007 à rendre ce dernier obligatoire. Cet échec s’explique partiellement par son caractère facultatif et la crainte du coût que ce choix pouvait engendrer. Mais des difficultés importantes ont également été rencontrées en matière d’accès à la formation et d’affiliation ENIM.

 

Un changement de mentalité s’impose afin que ce ne soit plus le coût qui soit perçu en premier mais au contraire le bénéfice de cette reconnaissance. Dans cette optique, il importe aussi de comprendre l’importance pour les femmes d’accéder à des formations type BCCEAM (formations établies à partir des référentiels agricoles) et de valoriser leurs acquis de l’expérience. La formation des femmes en amont de la casse des navires apparaît, en effet, comme un vecteur de prévention sociale.

La reconnaissance de la femme en tant que professionnelle de l’entreprise est également de nature à permettre une reconnaissance de la femme au sein de l’organisation professionnelle (évitant ainsi que certains maris ne soient obligés de céder leur place pour permettre à leurs femmes de participer aux élections dans les structures professionnelles). Si beaucoup a été fait au cours des dernières années, beaucoup reste encore à faire pour faire évoluer ce statut et les formations.

 

Enfin un partage d’expérience très enrichissant a eu lieu concernant l’action de l’Association femmes du littoral de Basse-Normandie représentée par Madame Françoise-Edmonde Morin. Cette association a participé à plusieurs études financées par des fonds communautaires (Equal, Feder, FSE) sur différents sujets tels que le revenu des femmes, l’accompagnement du changement ou encore l’avenir du secteur pêche. Il en ressort clairement que les femmes ne choisissent pas d’emblée le salariat au sein de l’entreprise de leur conjoint car elles privilégient le revenu familial plutôt que le revenu personnel. Elles sont également dans une situation juridique précaire car elles engagent leurs biens personnels sans contrepartie. Néanmoins la crise du secteur de la pêche les conduit de plus en plus souvent à rechercher un revenu à l’extérieur ce qui traduit un bouleversement des mentalités dans un secteur où le revenu familial est traditionnellement assuré par le mari. Face aux reculs des criées, elles apparaissent de plus en plus comme un porte-parole impulsant une nouvelle dynamique sur le territoire, même si leurs résultats ne sont pas encore repris par les élus.

 

Enfin, cette première journée d’échanges a été conclue par la présentation de deux affaires de harcèlement sexuel, l’une espagnole présentée par Madame Olga Fotinopoulou-Basurko (Professeur à l’Université du Pays-Basque espagnol) et l’autre française par Monsieur Dany Cohen (avocat au barreau de Marseille). Ces deux affaires présentent une troublante similarité puisqu’elles concernent du personnel embarqué mais non navigant (une femme de chambre et une serveuse), victimes d’agressions particulièrement graves et ayant entraînée de graves troubles psychologiques ainsi qu’une incapacité de travail. Par ailleurs, dans les deux cas, les victimes ont eu énormément de difficultés à obtenir réparation compte tenu de la difficulté qu’il y avait à identifier les responsabilités. Cela montre ainsi combien la lutte contre le harcèlement soulève une problématique sociologique spécifique à bord des navires, alors même que la spécificité de la relation de travail maritime peut également avoir des répercussions sur l’accès même à la justice pour les victimes de harcèlement.

 

La richesse des échanges qui ont ponctué cette journée montre clairement l’intérêt du projet FEMMAR et la diversité des thèmes qui vont devoir être abordés au cours de sa réalisation. La tâche s’annonce donc longue et difficile mais au combien passionnante. Merci à chacun des participants d’avoir dialogué et échangé idées et expériences, contribuant ainsi à faire de cette journée de lancement du projet FEMMAR un temps particulièrement enthousiasmant.



[1] R. TREMPÉ, Les mineurs de Carmaux, Editions Ouvrières, Paris, 171, 2 vol., 503p. et 509p. ; A. CORBIN, Archaïsme et modernité en Limousin au XIXè siècle (1845-1880), Marcel Rivière, Paris, 1975, 2 vol. ; La pluriactivité dans les familles agricoles, Colloque de l’Association des ruralistes français, L’Isle-d’Abeau, 19-20 novembre 1981, ARF Editions, Paris, 1984, 2 vol.

[2] A. CORBIN, Le territoire du vide, L’occident et le désir de rivage, Aubier, Paris, 1988; A. CABANTOUS, Les citoyens du large. Les identités maritimes en France (XVIIè-XIXè siècles), Aubier, Paris, 1995.

[3] G. LE BOUEDEC, F. PLOUX, Chr. CERINO et A. GEISTDOERFER (dir.), Entre terre et mer – Sociétés littorales et pluriactivités (XVè-XXè siècle), PUR, Rennes, 2004, sp. p. 9.

[4] N. SOUCHARD, “Affaires de femmes / affaires d’hommes : la production de lait”, in J. DHOMBRES (dir.), La Bretagne des savants et des ingénieurs, Ed. Ouest-France, Rennes, 1999, 543p.

[5] G. LE BOUEDEC, Activités maritimes et sociétés littorales de l’Europe atlantique (1690-1790), A. Colin, Paris, 1997 ; A. LESPAGNOL, “Bassins d’emploi et mobilités des populations dans les sociétés littorales – L’espace morutier de la Manche occidentale aux XVIIè-XXè siècles”, in G. LE BOUEDEC et Fr. CHAPPÉ (dir.), Actes de la table-ronde du Centre de recherche sur les sociétés littorales du Ponant, Atelier d’Impression Lorientais, Lanester, 1996, pp. 16-30.

[6] P. LEGUÉ-DUPONT, “Bon et mauvais usages des statuts ambigus des ostréiculteurs de Marennes-Oléron”, in G. LE BOUEDEC, F. PLOUX, Chr. CERINO et A. GEISTDOERFER (dir.), Entre terre et mer – Sociétés littorales et pluriactivités (XVè-XXè siècle), PUR, Rennes, 2004, pp. 351-360.

[7] G. PROUTIERE-MAULION, Aperçu des premiers décrets pris en application de la loi d’orientation sur la pêche maritime et les cultures marines du 18 novembre 1997, Droit maritime français, n° 588, décembre 1998, pp 1188-1193 ; Commentaire de la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997 d’orientation sur la pêche et les cultures marines, Revue juridique de l’environnement, 3/1998, pp 319-323 ; Du statut de l’entreprise de pêche, Revue de droit rural, n° 264, juin-juillet, 1998, pp 346-352.


Date de création : 13/05/2009 @ 11:44
Dernière modification : 13/05/2009 @ 11:50
Catégorie : Journée d'étude sur les femmes et leurs activités


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Réactions à cet article


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